Pour une autre mobilité

Avec le courage politique nécessaire, la transformation du secteur des transports peut devenir une chance pour une meilleure qualité de vie.

Nous y voilà à nouveau. Le 59e Autofestival est en cours et les concessionnaires automobiles proposent à nouveau des offres attrayantes pour les voitures neuves. D’après les échos du terrain, cette année, les clients sont particulièrement intéressés par les voitures électriques. La tendance vers les voitures électriques s’est déjà manifestée dans les nouvelles immatriculations des dernières années : en 2022, la part des voitures électriques était de 15,2%, soit nettement plus que les années précédentes.

L’électromobilité, combinée à une production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, est une partie de la solution pour rendre la mobilité climatiquement neutre à l’avenir. Mais l’électrification du transport individuel motorisé à elle seule ne suffit pas.

Le nouveau plan national de mobilité estime que la demande de mobilité augmentera de 40% d’ici 2035. Compte tenu de la situation actuelle déjà tendue sur nos routes, cela n’aurait aucun sens de faire rouler simplement 40% de voitures supplémentaires – électriques ou non – dans nos villes et villages. Nous ne devrions pas non plus construire 40% de routes en plus, car nous aggraverions ainsi la destruction de la nature et de la biodiversité.

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Quelle: Plan national de mobilité 2035

Repenser le rôle dominant de la voiture

Plutôt que d’essayer de planifier la mobilité de demain avec des solutions du passé, nous devrions remettre en question la dominance actuelle de la voiture. Avec 696 voitures pour 1.000 habitants, le Luxembourg a le taux de motorisation le plus élevé de l’UE depuis au moins 30 ans.1 Ce chiffre est peut-être influencé par des non-résidents qui utilisent des voitures de société immatriculées au Luxembourg, mais au final, le constat reste le même : il y a trop de voitures sur nos routes.

La place prépondérante qu’occupe actuellement la voiture va à l’encontre du changement de cap nécessaire pour rester mobile à l’avenir et atteindre en même temps les objectifs climatiques. Cela a également été reconnu dans le plan national de mobilité pour 2035. En 2017, environ 70% des déplacements ont été effectués en voiture, contre 16% en transports en commun, 12% à pied et 2% à vélo. Selon le plan national de mobilité, la part de la voiture devrait baisser à 53% d’ici 2035, tandis que la part des transports publics, de la marche et du vélo devrait augmenter. Il s’agit de considérer la voiture comme une partie de nombreuses solutions de mobilité et d’adapter nos habitudes en conséquence.

Pour y parvenir, nous avons besoin d’alternatives attrayantes. Ces dernières années, des investissements massifs ont été réalisés au niveau national, par exemple avec la construction du tramway, la planification du tramway rapide en direction du sud, l’augmentation des capacités du transport ferroviaire et l’amélioration du réseau de bus. Malgré ces succès, il reste encore beaucoup à faire, par exemple en ce qui concerne l’extension des transports publics, l’infrastructure cycliste et le covoiturage.

Priorité pour les piétons et les cyclistes

Dans les espaces urbains en particulier, une solution importante réside dans la mobilité douce. Depuis la pandémie, outre le travail à domicile, le vélo a également connu un boom. De plus en plus de personnes utilisent leur vélo comme un moyen de transport fiable, économique, efficace et sain, qui permet d’éviter les embouteillages et de prendre soin de sa santé.

Ces dernières années, les villes de toute l’Europe ont réalisé des investissements sans précédent pour promouvoir la mobilité douce, avec des résultats remarquables. Des villes comme Bruxelles et Paris, mais aussi des villes plus petites comme Strasbourg, qui étaient écrasées par le chaos de leur trafic, sont devenues des villes cyclables, de plus en plus souvent citées au même titre que Copenhague ou les villes néerlandaises. Des exemples connus sont la rue de la Loi à Bruxelles ou la rue Rivoli à Paris.

La ville de Paris a investi beaucoup dans des infrastructures cyclables sûres, avec des résultats remarquables.

Malheureusement, on ne peut pas en dire autant du Luxembourg, à commencer par la capitale et son agglomération. L’infrastructure locale est soit inexistante, soit un patchwork de peinture combiné à quelques mètres de pistes cyclables apparemment sûres qui ne mènent souvent nulle part. On a également manqué de mettre en place des pistes cyclables pop-up de qualité pendant la pandémie et la crédibilité en matière de mobilité durable a été sérieusement affaiblie par des projets ratés comme le réaménagement de l’avenue Pasteur à Limpertsberg. Des excuses comme « il n’y a pas assez de place » ou « Luxembourg est une ville fortifiée » sont à l’ordre du jour. La mentalité « tout pour la voiture » des années 1970 est et reste omniprésente dans les actions de nombreux décideurs locaux.

Pourtant, les chiffres montrent que les habitants du Luxembourg sont loin d’être moins intéressés par la transition vers le vélo que dans nos pays voisins. Les compteurs de vélos de la capitale ont comptabilisé plus d’un million de passages en 2022, soit une augmentation de 37% par rapport à l’année précédente. Parallèlement, les 900 stations « Vel’OH ! » de Luxembourg-Ville et des communes limitrophes ont enregistré près de 1,2 million de locations en 2022, soit une augmentation de 47% par rapport à 2021 et de 70% par rapport à 2019.

A cela s’ajoute le fait qu’au Luxembourg, plus de la moitié des trajets de moins de 5 km sont effectués en voiture. Le potentiel de passage au vélo sur ces courtes distances est énorme. Cela nécessite toutefois une infrastructure de pistes cyclables sûre et cohérente. Pour cela, les efforts au niveau national doivent être accompagnés par des mesures de politique communale, couplées à une plus grande coopération intercommunale, afin que les pistes cyclables ne s’arrêtent pas aux frontières des communes.

Renforcer le Car-Sharing

Comme la voiture perd de son importance, surtout dans les villes, la nécessité de posséder une voiture à titre privé diminue également. Cela a à son tour un effet positif sur la disponibilité de l’espace public précieux qui est aujourd’hui réservé au stationnement. En effet, les voitures privées restent aujourd’hui garées pendant environ 95% du temps.2 Une seule voiture occupe en général au moins deux places de parking : une à la maison et une au travail.

Pour favoriser cette évolution et faire en sorte qu’à l’avenir, il soit toujours possible de recourir à un véhicule motorisé en cas de besoin, même si l’on ne possède pas de voiture, il est nécessaire de mettre en place une offre d’autopartage performante. Actuellement, le Luxembourg dispose d’un service d’autopartage au niveau national et d’une offre locale à Luxembourg-Ville. Cependant, pour que l’autopartage devienne une véritable alternative, l’offre doit devenir beaucoup plus flexible et mieux couvrir l’ensemble du territoire. Dans le cas du système de location d’autopartage de la ville de Luxembourg, il manque par exemple des stations, surtout dans la ville basse, au nord et à l’est. Une coopération entre les communes permettrait en outre de créer un service d’autopartage unique et attractif pour la capitale et ses communes périphériques.

Selon l’Agence fédérale de l’environnement, une voiture en autopartage remplace jusqu’à 10 voitures privées. Plus de covoiturage signifie donc moins de voitures et donc plus de place pour les piétons et les cyclistes, ainsi que pour les terrasses et les espaces verts, ce qui améliore la qualité de vie.

Il faut du courage politique!

Il est temps de repenser notre mobilité et le rôle de la voiture. L’écrivaine et activiste allemande Katja Diehl le résume ainsi : « Chacun.e devrait avoir le droit de mener une vie sans voiture personnelle ».3

Le tournant en matière de transports ne doit donc pas consister à mener une politique contre la voiture. Il s’agit plutôt de garantir une mobilité décente, climatiquement neutre et libre de tout souci pour tous. Cela demande du courage politique et de la clairvoyance, tant au niveau national qu’au niveau local.

La transition en matière de mobilité est une occasion unique de rendre nos villes et nos villages plus attrayants et d’améliorer notre qualité de vie. Il s’agit maintenant de prendre les bonnes décisions afin de saisir cette opportunité et de vivre mieux et plus librement à l’avenir.

Fabricio Costa est Co-Porte-Parole de déi jonk gréng et habite à Luxembourg-ville.

Stephen De Ron est membre du comité exécutif de déi gréng et habite à Itzig.

Première publication: Luxemburger Wort, 28.01.2023 (en allemand)


[1] D. Kondor et al. (2018). Estimating Savings in Parking Demand Using Shared Vehicles for Home-Work Commuting.

[2] ACEA (2022) Report Vehicles in Use Europe 2022

[3] Katja Diehl (2022) Autokorrektur


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