Analyse du débat sur l’état du pays et ce que les nouvelles mesures signifient pour les jeunes
Pour décrire la situation actuelle, un mot semble particulièrement approprié : incertain. On ne sait pas quand la guerre en Ukraine prendra fin, si et quand une récession économique s’installera et si, au niveau mondial, nous parviendrons à relever les grands défis de notre temps. Cette incertitude se fait particulièrement sentir chez la jeune génération. La crise climatique, la crise du logement, la guerre, les soulèvements féministes en Iran – les nombreuses crises renforcent les craintes des jeunes dans notre pays.
Dans son discours de près de deux heures, le Premier ministre s’est penché principalement sur ces grandes crises. Il a souligné la responsabilité que le gouvernement bleu-rouge-vert a assumée avec les mesures de plus de 2 milliards d’euros issues de deux accords de Tripartite.
Mais le Premier ministre ne s’est pas limité à énumérer les projets déjà entamés. En effet, de nouvelles mesures ont également été annoncées. Et pourtant, il reste un grand nombre de chantiers auxquels le Premier ministre n’a apporté que peu voire pas de réponses dans son discours.
Barrières à l’extension du solaire
Ces dernières années, les énergies renouvelables ont connu un véritable boom au Luxembourg. C’est surtout le développement de l’énergie solaire que le gouvernement entend désormais renforcer massivement. Avec la réduction de la TVA sur les installations solaires de 17% à 3%, une augmentation des primes, un tarif de rachat stable, une obligation d’installer des panneaux solaires sur les nouvelles constructions ainsi qu’un nouveau modèle permettant aux particuliers de mettre leurs surfaces à disposition de l’État pour des installations solaires, de nombreux accents verts sont mis en place pour exploiter pleinement l’énergie solaire à l’avenir.
Le potentiel est en effet énorme. Rien que dans la ville de Luxembourg, selon les chiffres du rapport environnemental 2020, jusqu’à 160% de la consommation d’électricité des ménages privés de la ville pourrait être couverte par le photovoltaïque. Pour cela, il faudrait équiper de modules photovoltaïques tous les toits de la capitale qui sont évalués comme « bons » ou « très bons » dans le cadastre solaire.
Mais au niveau communal, il existe actuellement encore des obstacles. Dans de nombreux quartiers de la capitale, les panneaux solaires ne peuvent pas être installés s’ils sont visibles depuis un endroit accessible au public. Dans d’autres communes également, des règlements de construction empêchent les citoyen.ne.s de devenir moins dépendants des énergies fossiles. Il faut absolument remédier à cette situation pour que les mesures annoncées par le gouvernement soient réellement efficaces.
Un autre facteur qui risque de devenir un obstacle à la transition énergétique est le manque de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur de l’artisanat. Non seulement le développement de l’énergie solaire, mais aussi le passage aux pompes à chaleur et la nécessaire rénovation énergétique des bâtiments risquent d’être freinés.
Ceux qui s’attendaient à une annonce concrète du Premier ministre en cette matière ont malheureusement été déçus. Il n’y a toujours pas de stratégie claire de la part du gouvernement pour s’attaquer de manière conséquente à la pénurie d’artisans. Dans le domaine de l’éducation, il faudrait par exemple veiller à ce que les élèves puissent se familiariser davantage avec les métiers artisanaux dès l’école primaire, afin de développer leurs compétences pratiques.
La décision d’apprendre un métier artisanal ne doit pas être, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, le résultat d’une orientation par l’échec. Au contraire, les élèves doivent être sensibilisés dès le départ, dans le cadre de leur orientation scolaire, au fait qu’il s’agit de métiers prometteurs qui offrent de nombreuses possibilités de carrière.
Impôt de mobilisation sans effet?
Comme promis il y a un an, le gouvernement a présenté, juste à temps pour le discours sur l’état de l’Union, une proposition de réforme de l’impôt foncier ainsi qu’une proposition d’introduction d’une taxe de mobilisation et d’une taxe sur les logements inoccupés. Ces dernières doivent aider à mobiliser davantage de logements.
La taxe de mobilisation vise à taxer les terrains constructibles afin d’inciter les propriétaires à les mobiliser pour le marché du logement. La proposition prévoit qu’un abattement fiscal s’applique à chaque enfant de moins de 25 ans. Dans l’exemple présenté par le ministère de l’Intérieur, cela signifierait que pour un terrain constructible de 6 ares à Mersch, la taxe de mobilisation ne s’élèverait plus qu’à 29€ après 10 ans au lieu de 2.579 euros.
Dans ce cas, l’abattement fiscal neutraliserait donc complètement l’incitation à construire sur le terrain. On peut donc se demander si cette clause, censée profiter à la jeune génération, ne compromet pas d’emblée l’efficacité de l’impôt. L’impôt tel que proposé risque donc de ne pas contribuer à résoudre la crise du logement. Pourtant, ce sont les jeunes adultes d’aujourd’hui, qui n’ont pas la chance de bénéficier d’un logement ou d’un terrain mis à disposition par leurs parents, qui sont particulièrement touchés par la flambée des prix du logement.
Renforcer le pouvoir d’achat
Outre les mesures fiscales en matière de politique du logement, le gouvernement a également annoncé une augmentation significative du crédit d’impôt pour les familles monoparentales. En outre, le personnel des services sociaux sera également renforcé. Avec les mesures sociales issues de la tripartite, le gouvernement entend ainsi éviter une crise sociale consécutive à la crise énergétique.
Le gouvernement a manqué l’occasion d’envoyer un signal fort aux jeunes, par exemple via l’indexation des bourses d’études.
Mais les jeunes sont également touchés par la crise énergétique actuelle. Certes, ils bénéficient également de la limitation des prix de l’énergie décidée lors de la tripartite. Mais les jeunes adultes qui n’ont pas le temps de travailler à côté de leurs études ne reçoivent pas d’index. S’ils en reçoivent un, il a peu de poids au vu des salaires généralement plus bas.
Le gouvernement a manqué l’occasion d’envoyer un signal plus fort aux jeunes, par exemple en indexant les bourses d’études. Il aurait ainsi été possible de garantir que les étudiants continuent à l’avenir de voir leur perte de pouvoir d’achat au moins partiellement compensée.
Prendre la santé mentale au sérieux
On aurait également pu attendre davantage du discours du Premier ministre dans le domaine de la santé mentale. Certes, il a déclaré qu’il fallait briser le tabou des maladies mentales. Mais cette affirmation est dépourvue de substance, étant donné que les traitements psychothérapeutiques ne sont toujours pas remboursés par la CNS après cinq ans de négociations.
Les crises actuelles renforcent les craintes de la jeune génération. Face à la crise climatique qui s’aggrave, c’est surtout l’anxiété climatique qui augmente. Et bien que de plus en plus de personnes souffrent de maladies mentales, celles-ci continuent d’être stigmatisées. Il convient donc d’accorder plus d’attention au bien-être mental et d’accorder aux troubles mentaux la même importance qu’aux maladies physiques, que ce soit en tant que thème transversal dans le domaine de la formation, dans l’organisation de la vie professionnelle ou dans l’accès aux offres psychothérapeutiques.
Outre le remboursement des frais de traitement, un droit au télétravail de deux jours par semaine pourrait être introduit dans les professions où cela est réalisable. De nombreuses personnes pourraient ainsi mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Le temps ainsi gagné permettrait de pratiquer des activités supplémentaires favorisant le bien-être mental.
Agir malgré l’incertitude
Le discours du Premier ministre a montré quelques pistes sur les accents que le gouvernement souhaite encore donner à la dernière année de la législature. Il s’agit de mettre en œuvre ces annonces de manière cohérente malgré la campagne électorale qui s’annonce, tout en apportant des corrections là où c’est nécessaire.
C’est justement en période d’incertitude que notre pays a besoin d’une politique ambitieuse qui donne une direction claire et explique ses actions aux citoyens. C’est surtout pour la jeune génération que les responsables politiques doivent mener une politique qui s’attaque résolument aux défis de notre temps, indépendamment du fait qu’il y ait ou non des élections dans un an.
Fabricio Costa et Amy Winandy sont porte-paroles de déi jonk gréng.
Première publication: Luxemburger Wort, 15.10.2022 (en allemand)
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